La sécurité et les solutions rapides
Une mentalité privilégiant les solutions rapides est monnaie courante dans notre société. Elle influe sur les attentes personnelles, les pratiques commerciales et la politique publique. Ces solutions rapides sont malheureusement souvent adoptées au détriment du progrès à long terme et au profit des résultats à court terme sans s’attaquer aux causes et peuvent avoir des conséquences imprévues.
Lorsqu’il s’agit de sécurité, les « solutions » rapides peuvent engendrer de nouveaux problèmes.
La tolérance zéro
La tolérance zéro, c’est le mantra à la mode pour composer avec des problèmes complexes, tels que le crime, la drogue, l’alcool et le harcèlement. Il s’agit d’une approche qui punit les comportements indésirables sans tenir compte des causes, de la gravité du méfait ou des éventuels résultats indésirables de la punition.
Lorsque les écoles adoptent une approche de tolérance zéro, il faut s’attendre à des expulsions. Par exemple, un enfant qui apporte par mégarde un article interdit à l’école peut se voir expulser même si l’article en question ne pose aucun danger réel. Dans le même ordre d’idées, un intimidateur expulsé peut poser une menace encore plus importante à l’extérieur de l’école. En revanche, si les enseignants croient qu’une expulsion causerait plus de préjudice, l’intimidateur ne peut être expulsé — contraignant souvent la victime à changer d’école.
De nouvelles lois
À la suite d’un incident grave, on a souvent le réflexe d’adopter une nouvelle loi. Ces lois tentent au mieux de proposer une solution symbolique parce qu’elles ne tiennent aucunement compte des principaux facteurs, tels que la mise en application des lois qui existent, la cause sous-jacente de l’incident, voire la compétence.
En août 2004, deux personnes assises dans la caisse d’une camionnette ont perdu la vie à le Pas, au Manitoba après que la camionnette dans laquelle elles avaient pris place fit un tonneau. Le conducteur fut accusé sous deux chefs de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort et sous 16 chefs de conduite avec facultés affaiblies ayant infligé des lésions corporelles. En vertu du Code de la route du Manitoba, les conducteurs et passagers doivent voyager en toute sécurité. Suite à cet accident, le gouvernement déclara qu’il songerait à adopter une loi interdisant aux personnes de prendre place dans la caisse d’une camionnette.
Voici un autre exemple typique : Lors d’un incident dans le cadre duquel une personne fut attaquée par un chien méchant, les gens demandèrent que la possession de cette race de chien soit interdite. Mis à part le problème de procéder à une identification objective de la race, l’interdiction d’une race ne tient pas les propriétaires responsables du comportement de leur chien. Les personnes violentes ou irresponsables qui désirent un chien agressif iront chercher un chien d’une race n’étant pas visée par l’interdiction. Or, une approche préventive qui allie des mesures de contrôle des animaux, propriétaires responsables, éleveurs accrédités et sensibilisation de la population, peuvent être renforcées par la mise en application et se fonder sur des données fiables.
La peine
En 2000, la peine maximale pour conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort est passée de 14 ans d’emprisonnement à une peine d’emprisonnement à perpétuité. On alla de l’avant avec ce durcissement même si la peine maximale de 14 ans n’avait jamais été imposée.
Si une peine est une mesure qui s’impose pour contrer un comportement illégal, la rendre de plus en plus sévère ne dissuadera pas pour autant les personnes d’enfreindre la loi. La certitude de la peine — et non sa gravité — constitue donc le principal facteur de dissuasion. Lorsque vient le temps de condamner quelqu’un, les peines axées sur la réhabilitation qui peuvent sembler clémentes ont souvent plus de chances d’empêcher d’autres infractions d’être commises et donc de protéger la population.
Selon des recherches, il est clair que des peines sévères ont peu d’effet préventif, à moins qu’elles soient perçues comme étant mises en application. Les gens seront par ailleurs moins portés à commettre un délit s’ils croient qu’ils se feront prendre, alors que les contrevenants les plus dangereux ne croient pas qu’ils se feront prendre. Voilà la raison pour laquelle la mise en application de la loi est essentielle à la sécurité.
Qu’une peine d’emprisonnement à perpétuité soit imposée ou non dans une affaire de conduite avec facultés affaiblies, on pourrait remettre en question l’importance au plan de la prévention de cette modification du Code criminel du Canada.
Des effets d’entraînement
Les solutions arbitraires rapides peuvent avoir des conséquences négatives inattendues.
Il y a des lustres, l’installation de panneaux d’arrêt sur des rues transversales semblait une bonne façon pour arrêter la circulation. On n’avait toutefois pas tenu compte du fait que le panneau d’arrêt avait pour but de contrôler la priorité de passage. En vertu de la loi, tous les véhicules, y compris les bicyclettes, doivent s’immobiliser complètement avant de franchir une intersection.
Dans les collectivités où les panneaux d’arrêt visent à apaiser la circulation, les arrêts incomplets sont devenus monnaie courante. Il y a même des automobilistes qui méprisent les panneaux d’arrêt. Quant aux cyclistes, ils supposent qu’ils ne sont pas obligés de s’arrêter à un panneau d’arrêt. Les enfants, aussi, voient des adultes qui ne s’immobilisent pas aux panneaux d’arrêt. Le recours aux panneaux d’arrêt pour ralentir la circulation les rend donc moins efficaces comme dispositif de signalisation.
L’apaisement de la circulation n’est ni plus ni moins qu’une solution rapide pour assurer la sécurité des piétons. On n’a qu’à penser aux dos d’âne, aux bordures en saillie, aux barrières sur les routes et aux autres mesures de modération de la circulation qui réduisent la vitesse à laquelle roulent les véhicules. Il n’y a par contre rien qui prouve qu’ils permettent de réduire le nombre de collisions avec les piétons. En fait, ils ont des effets d’entraînement nuisibles, parce qu’ils gênent et endommagent les véhicules de secours, font dévier la circulation vers d’autres rues et font augmenter les émissions nuisibles. Les mesures de modération de la circulation sont également plus coûteuses que d’autres mesures qui se sont avérées efficaces. Selon une récente étude, la plupart des mesures d’apaisement de la circulation ne font que gaspiller des ressources limitées, et ce, sans assurer la sécurité des piétons.
Des solutions intelligentes
Quelle est donc la différence entre une solution rapide et une solution intelligente ? Les solutions rapides sont d’ordinaire nourries par l’opportunisme émotif et politique. Si la plupart des solutions rapides ne font jamais l’objet d’une évaluation en profondeur et impartiale, plusieurs deviennent des pratiques acceptées. Parmi les nombreuses solutions rapides, on compte les lois qui furent adoptées mais qui ne sont pas mises en application.
En revanche, les solutions intelligentes visent à améliorer les choses à long terme. Elles sont élaborées à l’aide de recherches et d’analyses crédibles de toutes les situations et tiennent compte de la psychologie humaine, de la rentabilité et des impacts potentiels.